Henri du Vergier de La Rochejaquelein
Henri de La Rochejaquelein est né le 30 août 1772 au château de La Durbelière, à Saint-Aubin-de-Baubigné, au cœur du Poitou. Il est le deuxième d’une fratrie de sept enfants dont trois garçons : lui-même, Louis (né en 1777) et Auguste (né en 1783). Descendant d’une illustre famille dont les origines remontent au Moyen-Âge, son ancêtre Louis de La Rochejaquelein s’était illustré aux côtés d’Henri IV lors des Guerres de Religion.
Le père d’Henri était colonel au Royal-Pologne puis maréchal de camp. Lorsqu’éclate la révolution en 1789, celui-ci cherche à rejoindre l’armée des Princes puis émigre aux Antilles, où il possède des plantations sur l’île de Saint-Domingue, avec son épouse et leur fils Louis. Le reste de la famille vit en Angleterre, à l’exception d’Henri, désireux de rester en France pour défendre le Trône menacé.
A 16 ans Henri achève ses études à l’École Militaire de Sorèze (Tarn). En 1791, il s’engage dans la garde du roi Louis XVI et participe à la défense du palais des Tuileries, le 10 août 1792, aux côtés de son cousin Louis de Lescure, et d’autres noms qui prendront part au soulèvement vendéen. Il parvient à quitter Paris et échapper aux massacres pour rejoindre le Poitou, résidant quelque temps chez Lescure au château de Clisson, près de Bressuire, qui vient de se marier avec Victoire de Donnissan (future épouse de Louis de La Rochejaquelein, frère d’Henri, qui sera connue pour ses Mémoires sur les Guerres de Vendée).
En mars 1793, alors que l’insurrection se propage sur la rive gauche de la Loire, le Bressuirais, meurtri par l’insurrection d’août 1792 matée dans le sang, ne s’est pas encore révolté. Henri apprend la nouvelle du soulèvement par un paysan qui l’incite à y prendre part. Conscient de son rôle à jouer, Henri quitte son cousin pour retourner à La Durbelière. Au matin du 13 avril une foule de paysans se rassemble face à son château pour demander au comte de se mettre à leurs têtes.
« Mes amis ! lance-t-il. Si mon père était ici, il vous inspirerait plus de confiance. Quant à moi je ne suis encore qu’un enfant, mais par mon courage j’espère me montrer digne de vous commander. Si j’avance suivez-moi, si je recule tuez-moi, si je meurs vengez-moi ! »
Adoré de ses hommes qui l’appellent « Monsieur Henri », le jeune homme, à seulement 20 ans, met en déroute les républicains aux Aubiers et rejoint l’armée Catholique et Royale, encerclée sur les bords de la Sèvre. Réunis à l’armée d’Anjou, les Blancs reprennent alors Cholet, puis battent les Bleus à Vezins, Vihiers et Beaupréau. M. Henri, apprend que son cousin a été fait prisonnier à Bressuire, ville que les Bleus abandonnent le 2 mai pour se replier sur Thouars, permettant à Henri de délivrer Lescure et son épouse, ainsi que Marigny, oubliés dans les geôles bressuiraises.
Le 5 mai, La Rochejaquelein s’illustre sous les murs de Thouars, forçant les Bleus à se replier dans la place, avant de monter sur les épaules de son fidèle Texier pour ouvrir une brèche et pénétrer dans la ville, qui finit par capituler. Il fait prisonnier la garnison et s’empare d’armes et de munitions en abondance.
Il prend part aux deux combats de Fontenay, le premier est un échec, mais le 25 mai, forts de 30 000 hommes, ils reviennent devant la capitale du Bas-Poitou, prenant les Bleus au dépourvu. M Henri, toujours en tête, s’élance, disant à ses gars « Nous n’avons plus de poudre dans nos poches, les bleus en ont ! ». C’est au cours de cette bataille qu’il apparaît avec un mouchoir sur la tête, qui donnera naissance aux « mouchoirs rouges de Cholet » au siècle suivant. À la bataille de Saumur, le 9 juin, il joue de nouveau un rôle décisif, mais est contraint de rester en garnison dans cette ville, ce qui l’empêche de prendre part à l’attaque de Nantes où il aurait pu faire basculer le sort de la bataille, les Vendéens s’enfuyant, après la blessure mortelle de Cathelineau.
Le général républicain Westermann arrive en pays insurgé, désireux de prouver à la Convention qu’il n’est pas un tiède, se plaisant à dire : « Je n’ai aucune victime à me reprocher, j’ai tout massacré ! » Celui-ci bat la petite armée de M. Henri aux Moulins-aux-Chèvres, la plupart des paysans étant partie changer de chemise pour les travaux des champs. Westermann s’empare de Châtillon-sur-Sèvre (actuel Mauléon) et fait brûler La Durbelière le 4 juillet, qui sera incendiée à cinq reprises au cours du conflit. M. Henri prend sa revanche dès le lendemain en attaquant par surprise Châtillon, d’où Westermann doit s’enfuir en hâte. La Rochejaquelein s’illustre à de nombreux autres combats et est blessé à Martigné, d’une balle qui lui casse le pouce, le forçant à se tenir momentanément à l’écart des combats. Il rejoint bien vite ses hommes pour se battre, le bras en écharpe, toujours plein de sa fougue habituelle.
À la bataille de Cholet, le 17 octobre, il ne peut cependant empêcher ses hommes d’abandonner la ville et doit suivre l’armée Catholique et Royale dans sa déroute jusqu’aux bords de la Loire, où 80 000 hommes, femmes et enfants attendent de traverser, pourchassés par les bleus. Quand le général Bonchamps rend l’âme, les officiers décident d’élire M. Henri généralissime, à seulement 21 ans, fort de son courage, son ardeur et son charisme auprès des hommes. Conseillé par le Prince de Talmont, il lance son armée en sabots dans la tragique « Virée de Galerne », ayant pour but de s’emparer d’un port de la Manche pour y recevoir l’appui des Princes émigrés et des Anglais.
C’est d’abord une série de victoires : Candé, Château-Gontier, Laval, Mayenne, Fougères - où Lescure meurt de ses blessures -, puis Dol-de-Bretagne. Mais les Vendéens échouent le 14 novembre devant le port de Granville. L’armée vendéenne fuit en désordre aux cris de : « À la Loire, à la Loire ! » Traqués, décimées par le froid, la faim et la maladie, les Insurgés reprennent les villes laissées en chemin, mais échouent à Angers pour repasser la Loire, avant d’être massacrés au Mans. Les survivants se replient vers Ancenis, où M. Henri et Stofflet, avec une poignée d’hommes, parviennent à repasser la Loire. La rage au cœur, Henri a le sentiment d’avoir abandonné les siens, ils seront exterminés dans les marais de Savenay, le 23 décembre.
La Rochejaquelein et Stofflet tentent de protéger les populations des colonnes infernales qui mettent le pays insurgé à feu et à sang. C’est au cours d’une escarmouche pour sauver Nuaillé de la destruction que, le 28 janvier 1794, M. Henri perd la vie. À l’issue du combat, il s’élance à cheval vers deux survivants républicains et leur crie : « Rendez-vous, je vous fais grâce ! » L’un d’eux, comprenant qu’il a affaire au fameux chef, épaule son fusil et le tire à bout portant. M. Henri reçoit la balle en plein front et s’écroule à bas de son cheval, les deux Bleus sont alors massacrés sur place par les Vendéens fous de chagrin.
Stofflet tente de garder la nouvelle de la mort du jeune généralissime secrète, pour ne pas démoraliser les hommes. M. Henri est enterré sur place avec ses agresseurs, après avoir eu le visage sabré par ses compagnons, pour que le corps ne puisse être identifié par les Bleus. La dépouille de « l’Archange de la Vendée » sera transférée en 1815 dans l’église de Cholet puis, en 1817, dans celle de Saint-Aubin-de-Baubigné où il repose toujours de nos jours, avec ses frères Louis et Auguste.